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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 60

Le mercredi 27 octobre 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président



LE SÉNAT

Le mercredi 27 octobre 2010

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommage à la population acadienne

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, l'été dernier j'ai assisté à la 54e réunion de la promotion de 1956 de l'école secondaire de Wolfville. Un de mes condisciples, qui nous a divertis, a servi une bouteille spéciale de pinot noir en mon honneur, et je voudrais vous parler plus en détail de cette dernière.

Mes passe-temps préférés ont rapport avec la nourriture, la cuisine et le vin, puisque j'ai obtenu un diplôme de l'école Le Cordon Bleu de Londres, en Angleterre, et suis membre de clubs d'amateurs de vin et de bonne chère, l'un à New York et l'autre en France, que je préside à titre de Grand Pilier Général du Canada de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin de Bourgogne. Bon nombre de ces sociétés s'emploient à promouvoir et célébrer les grands crus, la bonne chaire et la culture de la France et perpétuent les liens étroits qui unissent nos deux pays.

Lors de la réunion, on a donc servi un pinot noir, soit le principal cépage utilisé pour produire les vins rouges de Bourgogne. Ce vin avait été produit par l'un des viticulteurs les plus respectés de la Bourgogne, soit la maison Labouré-Roi. Cette maison a été fondée par MM. Labouré et Roi en 1832, dans la ville de Nuits-Saint-Georges. Labouré-Roi a créé un vin spécial en l'honneur de la population acadienne du Canada, en mélangeant innovation et tradition.

[Français]

Le nom du vin est Hommage aux Acadiens. Sur la bouteille, on retrouve la devise de l'Acadie, L'union fait la force, et le titre de l'hymne des Acadiens, Ave Maris Stella ou Salut, étoile de la mer, ou encore Hail! Star of the Sea.

Ce vin est issu d'une série de vins nommée Labouré-Roi Histoire. Dans le cadre de cette série, la maison Labouré-Roi a mis en bouteille un pinot noir pour honorer l'histoire des provinces de l'Atlantique, ainsi qu'un cabernet sauvignon, un beaujolais et un chardonnay. Labouré-Roi tenait à souligner la contribution des Acadiens à l'histoire et à la société actuelle des provinces canadiennes de l'Atlantique.

Je tiens à vous en faire part, étant donné la signification de cet honneur.

Sur la bouteille figure un texte qui relate l'histoire de ce peuple distinct.

[Traduction]

Plus de 13 000 bouteilles ont été vendues en Nouvelle-Écosse. Sur la bouteille, on peut lire ce qui suit :

En 1604, Pierre du Gua de Monts et Samuel de Champlain ont fondé la première colonie française dans la partie orientale du Canada, connue sous le nom d'Acadie. Des familles venues de France ont bâti des maisons dans la région. En dépit des conflits opposant la France et l'Angleterre, les Acadiens ont prospéré pendant plus d'un siècle. En 1755, l'Angleterre a décidé de déporter les Acadiens, les chassant de leurs terres. Après les années agitées de la déportation (ou expulsion), un grand nombre d'Acadiens sont rentrés dans leur pays natal. Ce grand cru a été élevé en France en hommage au courage des Acadiens.

[Français]

Honorables sénateurs, quel honneur pour la communauté acadienne du pays d'être honorée d'une telle façon par un producteur de vins réputé de France. Vous connaissez comme moi l'importance culturelle et historique de l'Acadie.

Aujourd'hui, l'Acadie compte un demi-million de personnes. Les Acadiens forment l'une des rares communautés francophones en Amérique du Nord. Elle possède une culture propre à elle dont nous devrions tous être fiers.

[Traduction]

La pauvreté

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, ma déclaration porte sur la pauvreté. Du 5 au 7 octobre, plus de 80 personnes de 20 collectivités du Nord ont participé à un atelier sur la lutte contre la pauvreté sous le thème « No Place for Poverty », organisé par le YWCA de Yellowknife et Alternatives North. Notre collègue, l'honorable Art Eggleton, a donné le coup d'envoi en prononçant une allocution. Un documentaire intitulé Poor No More, de l'actrice, comédienne et activiste sociale Mary Walsh, a également été présenté. Plus important encore, l'atelier a réuni une grande diversité de représentants communautaires et d'organismes sociaux du Nord, qui se sont penchés sur les graves problèmes engendrés par la pauvreté.

J'ai toujours été fier du Nord et j'ai toujours pensé que, vu la vigueur de notre économie et la solidarité qui règne dans les collectivités, la pauvreté était principalement un problème du Sud. Comme bien des Canadiens, je n'étais pas toujours conscient de la profondeur et de l'étendue de la pauvreté dans notre pays ou même dans ma propre cour. J'ai toujours su qu'il y avait des gens moins bien nantis dans les collectivités des Territoires du Nord-Ouest, mais ce n'est qu'au cours des dernières années que je me suis rendu compte à quel point la pauvreté et l'itinérance touchaient un grand nombre de personnes habitant dans le Nord, surtout dans les villes, comme Yellowknife.

Les participants à l'atelier ont recommandé que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest élabore une stratégie de lutte contre la pauvreté semblable aux stratégies déjà en place dans un certain nombre de provinces. Cette stratégie serait axée sur le logement abordable, les programmes de réduction de la dette, les services de garde d'enfants accessibles et les solutions communautaires.

Je félicite ces bienveillants habitants du Nord de leur excellent travail. J'exhorte le gouvernement fédéral à suivre leur exemple en adoptant leur stratégie globale visant à éliminer la pauvreté. La pauvreté ne devrait pas exister dans le Nord ni d'ailleurs dans le reste du Canada.

L'Afghanistan

L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, cette semaine, le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense a entendu des paroles encourageantes de la part du brigadier-général Jonathan Vance au sujet de notre mission en Afghanistan. Malgré les reportages toujours négatifs diffusés dans les médias, le brigadier-général Vance, qui vient de terminer sa deuxième période de service en tant que commandant de la Force opérationnelle interarmées du Canada à Kandahar, a fait écho aux commentaires du brigadier-général canadien Dean Milner et du général américain David Petraeus, qui se trouvent tous deux sur le terrain, en Afghanistan.

Le général Petraeus, le commandant en chef de l'OTAN en Afghanistan, dit que l'opération, qui a été lancée il y a un mois, avance plus rapidement que prévu et que les troupes sur place parviennent à éliminer un grand nombre de hauts dirigeants talibans.

(1340)

Le brigadier-général Vance a signalé que le déploiement massif de militaires de l'OTAN avait atteint son point culminant et qu'il avait permis de réduire pratiquement à néant l'insurrection. Il a ajouté que cela avait aussi eu pour effet de galvaniser le peuple afghan. Par exemple, 26 écoles ont ouvert leurs portes dans le district de Dand, où des militaires canadiens se trouvent actuellement.

Selon le brigadier-général Vance, une fois que les écoles sont ouvertes, les villageois commencent à se sentir plus en confiance et, pour eux, la situation ressemble plus à ce que mes collègues et moi pourrions qualifier de « normale ». Il a dit : « [...] pour nous, gagner signifie que les Afghans seraient en mesure de gérer l'urgence sans que leur capacité de gouverner soit à chaque jour exposée à une menace claire et présente ».

Le brigadier-général Vance a aussi parlé au comité des opposants systématiques. Il a dit : « [...] nombre de personnes qui n'ont pas à rendre de comptes pour les propos qu'elles tiennent disent que cela ne pourra jamais se faire, que tout le monde a perdu là-bas, qu'ils s'agit d'un cimetière d'empires, et que tout ce que nous faisons là-bas est mauvais et que rien n'est bien. De manière générale, les personnes qui les tiennent n'ont pas été sur le terrain ».

D'autres ont laissé entendre que les talibans se contenteraient de se croiser les bras et d'attendre que les forces de l'OTAN, et surtout les Américains, se retirent. Le brigadier-général Vance affirme qu'il s'agit là d'une légende urbaine. Il a souligné que les insurgés ne peuvent se permettre d'attendre, parce que les forces afghanes, le gouvernement afghan et le peuple afghan deviennent de plus en plus forts au fil des jours.

Enfin, honorables sénateurs, le brigadier-général Vance a dit ceci au comité : « Personne ne veut perdre. Nous, nous ne voulons pas perdre. Nous ne le devrions pas, et la partie est parfaitement gagnable. Cela demandera du temps, des efforts ciblés et de la patience ».

La semaine dernière, en Saskatchewan, j'ai rencontré les familles de soldats morts au combat et j'ai entendu leur appel. Ces gens veulent que nous fassions preuve de patience et que nous restions sur place jusqu'à ce que le travail soit terminé afin que les Afghans puissent assurer la sécurité et endiguer le terrorisme.

Honorables sénateurs, continuons d'appuyer nos troupes pour leur permettre de remplir leur mission en Afghanistan.

Walter et Julia Manning

Félicitations à l'occasion de leur cinquante-neuvième anniversaire de mariage

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, il est important de célébrer les grandes réalisations et nous avons, aujourd'hui, l'occasion de le faire.

C'est pour moi un honneur d'intervenir au Sénat du Canada pour transmettre mes félicitations et mes meilleurs vœux de bonheur à deux personnes bien spéciales à l'occasion de leur 59e anniversaire de mariage. Il y a 59 ans aujourd'hui, pratiquement à la minute près, Walter Manning et Julia Careen faisaient leur entrée à l'église St. Patrick's à John's, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, et, après avoir fait bénir leur union, commençaient une nouvelle vie à deux.

Que ce soit à Cuslett sur le Cape Shore, à Schefferville, au Québec, ou à St. Brides, où ils se sont maintenant établis, ils ont travaillé très fort, relevé des défis ensemble et profité de toutes les occasions qui se présentaient à eux pour jouir de la vie aux côtés de leur famille. Je suis persuadé que certains jours ils ne seraient pas d'accord pour que je dise qu'ils ont eu la chance d'avoir neuf enfants, 21 petits-enfants et, jusqu'à maintenant, deux arrière-petits-enfants.

Bien connus sur le Cape Shore à titre de propriétaires d'une entreprise familiale pendant plus de 40 ans, Walter et Julia croyaient à l'entraide. Ils ont participé à des organisations communautaires et religieuses et ont ainsi transmis à leurs enfants l'importance pour chacun de faire sa part. L'exemple qu'ils ont su nous donner sur la façon de surmonter les obstacles a été une grande source d'inspiration, non seulement pour les membres de leur famille, mais pour tous ceux qui les ont connus.

Julia a eu de graves problèmes de santé au cours de la dernière année, mais cela lui a permis de démontrer sa force de caractère. Quant à Walter, sa conviction profonde que tout est possible si on travaille fort et qu'on n'abandonne jamais a été une source d`inspiration pour toutes les personnes qui l'entourent.

C'est aujourd'hui une journée spéciale pour Walter et Julia Manning, de St. Brides, dans la région de Cape Shore, à Terre-Neuve-et-Labrador. Félicitations, maman et papa!

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Luis Federico Franco Gómez, vice-président de la République du Paraguay. Il est accompagné d'une délégation parlementaire, qui comprend le sénateur Mario Cano Yegros du Sénat du Paraguay et la députée Mirta Ramona Mendoza Diaz de la Chambre des députés du Paraguay, ainsi que de Son Excellence Manuel Schaerer Kanonnikoff, distingué ambassadeur du Paraguay au Canada.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

Les rapports sur la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Récemment, la Presse Canadienne a parlé d'une étude du ministère fédéral de la Justice, qui examine les répercussions de la prétendue Loi sur l'adéquation de la peine et du crime. D'après l'article, l'étude :

[...] donne raison aux personnes qui affirment que le projet de loi C-25, la prétendue Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, cible injustement les pauvres, les personnes illettrées et les Autochtones du Canada.

Cette étude a été effectuée en juillet 2009, mais elle n'a jamais été rendue publique. Elle a été obtenue par un journaliste seulement grâce à une demande d'accès à l'information. C'était un rapport préliminaire.

Mes questions sont très simples. Le rapport final est-il disponible? Le gouvernement va-t-il déposer le rapport et le rendre public? Dans la négative, pourquoi?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai appris l'existence de l'étude dont le sénateur Cowan parle que dans ces reportages, que j'ai lus moi aussi. Comme les sénateurs le savent, en réponse à un besoin immense aux quatre coins du pays, le gouvernement a commencé à apporter toute une série de modifications au système de justice.

Le sénateur a dit que le rapport en question était un rapport préliminaire. Comme dans le cas d'hier, je ne manquerai pas de demander une copie du rapport au ministère de la Justice du Canada.

Toutefois, je tiens à dire au sénateur Cowan que les fondements et la rigueur des mesures législatives sur l'adéquation de la peine et du crime servent les intérêts des Canadiens. Peu importe le milieu auquel ils appartiennent, peu importe que leurs revenus soient modestes ou élevés ou qu'ils soient pauvres ou riches, les Canadiens veulent que notre système de justice fonctionne de façon adéquate.

Le sénateur Cowan : J'en conclus donc que madame le leader tentera de savoir où en est ce rapport et qu'elle nous indiquera le moment où il sera disponible et que, si elle n'est pas disposée à déposer le rapport, elle nous dira pourquoi. C'est exact?

Le sénateur LeBreton : C'est exact.

Le sénateur Cowan : Je crois comprendre que l'étude a été menée de la façon suivante : en 2008, on a demandé à des tribunaux dans différentes villes aux quatre coins du Canada de remplir, sur une période de trois mois, un formulaire d'une page au sujet des contrevenants gardés en détention préventive, ultérieurement reconnus coupables et condamnés à une peine. Winnipeg, Whitehorse, Toronto, Vancouver, Ottawa et Halifax sont les villes qui ont participé à l'étude. Le rapport intérimaire dont nous parlons présente les conclusions tirées à Winnipeg et à Whitehorse, de même que certains résultats émanant de Toronto et de Vancouver; il n'y est pas du tout question d'Ottawa et d'Halifax.

C'était il y a deux ans. Je suis convaincu que les sénateurs s'entendront pour dire que les résultats sont très importants pour évaluer de façon responsable et objective le programme de lutte contre la criminalité du gouvernement. Je suppose que le gouvernement a en main ces résultats sous la forme d'un rapport soit préliminaire soit définitif. Je prie madame le leader de vérifier cela. Nous sommes en droit de nous attendre à ce qu'un rapport définitif ait été publié.

Au nom de la transparence et de la reddition de comptes, des vertus que possède le gouvernement actuel, aux dires de madame le leader, et au nom de l'élaboration de bonnes politiques publiques, madame le leader du gouvernement va-t-elle nous fournir les conclusions de ces études, même s'il ne s'agit que de données brutes? Après tout, ces études ont été menées aux frais des contribuables.

(1350)

Le sénateur LeBreton : Comme le sait le sénateur, le ministre de la Justice a pris des mesures pour modifier et renforcer la législation en matière de justice pénale. Durant le processus, le ministre a travaillé conjointement avec les procureurs généraux des provinces, de nombreux intervenants dans le système de justice pénale, les groupes de victimes et des représentants de l'Association du Barreau canadien, qui lui ont tous apporté leur entière coopération.

Honorables sénateurs, il est évident que, lorsque le Sénat est saisi de mesures législatives, le gouvernement souhaite que tous les renseignements pertinents soient disponibles. Selon moi, il n'y a pas de conflit.

Je vais me renseigner auprès du ministère de la Justice quant à l'état des rapports. Il arrive souvent, en cet endroit, qu'on me pose des questions à propos de rapports que le gouvernement n'a ni demandés ni payés.

Honorables sénateurs, je vais devoir trouver la source de l'information. Je vais déterminer si le rapport a été commandé par le ministère de la Justice, et j'obtiendrai les commentaires de ce dernier quant à sa situation.

L'industrie

La Potash Corporation of Saskatchewan

L'honorable Robert W. Peterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Depuis bien plus d'un mois, ici comme à l'autre endroit, les libéraux exercent des pressions sur le gouvernement pour obtenir des réponses au sujet de la prise de contrôle, par l'entreprise australienne BHP Milliton, de la Potash Corporation of Saskatchewan. Le Parti libéral s'oppose à cette transaction, tout comme le gouvernement de la Saskatchewan et les habitants de la province. Le premier ministre Wall soupçonne également que certains députés provinciaux conservateurs en Saskatchewan s'opposent eux aussi à l'entente, mais ont peur d'exprimer leur opinion. En effet, la seule personne qui semble ne pas s'opposer à la transaction est le premier ministre Stephen Harper. Pourquoi le premier ministre tergiverse-t-il au lieu d'être solidaire de la Saskatchewan?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il serait préférable que le sénateur cesse de donner aux gens de fausses informations.

Je répète encore une fois que le ministre de l'Industrie et les fonctionnaires de son ministère prendront le temps nécessaire pour examiner cette offre et ne l'approuveront que s'il est établi qu'elle servira vraisemblablement l'intérêt du Canada. Le ministre Clement suit un processus rigoureux qui est exposé dans la Loi sur Investissement Canada.

En vertu de la Loi sur Investissement Canada, nous sommes le seul gouvernement à avoir rejeté une offre, notamment avec MacDonald, Dettwiler et Associés en 2008, et à avoir intenté des poursuites judiciaires contre une entreprise, notamment U.S. Steel en 2009. Comme je l'ai dit hier à la collègue du sénateur, en l'occurrence madame le sénateur Hervieux-Payette, les faits montrent que, pendant ses 13 années au pouvoir, le gouvernement libéral précédent n'a fait ni l'un ni l'autre.

Le sénateur Peterson : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement a répondu à plusieurs reprises et encore aujourd'hui que son gouvernement n'appuierait aucune initiative ne servant pas l'intérêt du Canada. Le premier ministre de la Saskatchewan a, pour sa part, répété à plusieurs occasions que cette prise de contrôle non sollicitée ne constitue pas un avantage net pour les Saskatchewannais et, par conséquent, pour le Canada non plus. Madame le leader partage-t-elle ce point de vue?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, en vertu de la Loi sur Investissement Canada, il incombe au gouvernement fédéral et, dans le présent cas, au ministre de l'Industrie, l'honorable Tony Clement, et à ses fonctionnaires de prendre le temps d'analyser cette offre et de l'approuver uniquement s'il est établi qu'elle constituera vraisemblablement un avantage net pour le Canada. Le ministre Clement se conformera au processus rigoureux prévu dans la Loi sur Investissement Canada.

Le sénateur Peterson : Honorables sénateurs, permettez-moi de présenter quelques chiffres à madame le leader du gouvernement au Sénat. Nous avons commencé le 23 septembre à demander au gouvernement de définir la notion d'avantage net. La potasse de la Saskatchewan représente 53 p. 100 des réserves mondiales; cette transaction de 38,6 milliards de dollars constituerait la plus importante vente d'une ressource naturelle de l'histoire canadienne. Le premier ministre de la province estime que cette transaction entraînerait, pour la Saskatchewan, un manque à gagner de 2 à 6 milliards de dollars. Qui plus est, quatre anciens premiers ministres de la Saskatchewan, de toutes les allégeances politiques, s'opposent à cette prise de contrôle.

Alors qu'une partie si importante d'une ressource naturelle stratégique du Canada est en jeu, le gouvernement refusera-t-il tout simplement cette transaction?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, si le gouvernement n'examinait pas toutes ces propositions ni toutes les questions qui lui sont soumises en application de la Loi sur Investissement Canada, le sénateur serait le premier à lui reprocher de ne pas exercer une diligence raisonnable en examinant ces questions et en prenant des décisions servant l'intérêt supérieur du Canada.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat dit conclure, on ne sait pas comment, que le ministre a la latitude et le pouvoir de prendre une telle décision. Madame le leader peut-elle me dire comment exactement un ministre faisant partie de ce cabinet, sous la direction du premier ministre actuel, pourrait jamais exercer quelque pouvoir que ce soit, surtout après que le premier ministre ait minimisé l'affaire en déclarant qu'il n'y a vraiment pas lieu de s'en faire, que ce n'est que la prise de contrôle d'une société sous contrôle américain par une société sous contrôle australien?

Le ministre Clement serait bien le premier à tenir tête au premier ministre actuel, à moins que madame le leader soit la première à le faire.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur devrait vraiment cesser de lire des commentateurs politiques comme Lawrence Martin, Jim Travers et Jeffrey Simpson.

Je le répète, le premier ministre fait tout à fait confiance aux ministres de son Cabinet. Il a déjà exprimé à plusieurs reprises sa confiance en chacun des ministres.

Dans ce cas-ci, il s'agit du ministre de l'Industrie, l'honorable Tony Clement, qui est chargé du dossier. Celui-ci prendra le temps nécessaire pour décider, avec l'aide de ses collaborateurs, s'il convient d'accorder son approbation, et ce, seulement si cela sert l'intérêt supérieur du Canada et des Canadiens.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, croyez-vous que, lorsqu'il affirme qu'il ne s'agit que de la prise de contrôle d'une société sous contrôle américain par une société sous contrôle australien, le premier ministre se rend bien compte qu'il existe une différence fondamentale, à savoir que les investisseurs, américains ou étrangers, peuvent être très dispersés de nos jours — ils peuvent être américains ou d'autres nationalités. Ils sont très dispersés. Ils ne détiennent pas une participation majoritaire. Ils ne peuvent pas diriger la société en question.

Il y a une différence entre les sociétés de ce genre et une firme sous contrôle australien qui achètera carrément la société et l'exploitera à ses fins. Elle servira peut-être les intérêts de l'Australie, mais probablement pas ceux du Canada ou de la Saskatchewan.

Le sénateur Tkachuk : Une procédure est en place.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur Tkachuk a raison. C'est comme si, tout d'un coup, toutes les procédures n'étaient plus valables.

Le sénateur Tkachuk : Il ne s'agit pas d'une dictature fantoche ou d'une dictature sud-américaine.

Le sénateur LeBreton : Je reprends les faits : le ministre de l'Industrie, l'honorable Tony Clement, et ses fonctionnaires prendront les mesures nécessaires et, après mûre réflexion, n'approuveront la transaction que s'il est établi qu'elle sert bien les intérêts du Canada et des Canadiens. Voilà les faits. C'est une réponse simple, mais je ne suis pas surprise que le sénateur ait du mal à accepter les réponses simples et vraies.

Les ressources humaines et le développement des compétences

Le Conseil canadien sur l'apprentissage

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

En mars dernier, je lui ai posé une question au sujet de l'annulation du financement du Conseil canadien sur l'apprentissage, qui est toujours l'une des principales institutions de recherche du Canada. À l'époque, c'est-à-dire il y a sept mois, madame le leader a déclaré que le gouvernement fédéral misait sur la collaboration avec les provinces, les territoires et les autres intervenants afin de créer un meilleur système d'information sur le marché du travail.

J'attends encore qu'on me dise de quelle façon l'expertise du Conseil canadien sur l'apprentissage a été remplacée. Quelles mesures ont été prises en vue de créer une nouvelle méthode de collecte de données sur le marché du travail?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il me semble avoir répondu par écrit à la question qu'a posée le sénateur Cowan en mars dernier. Je prends note de sa question. Je serai ravie de lui dire où en sont les choses en ce qui a trait à ce dossier.

La coopération internationale

Le rapport sur l'aide au développement officielle du Canada

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, au début d'octobre 2010, le gouvernement a déposé à la Chambre des communes le deuxième rapport sur l'aide au développement officielle du Canada, conformément à la nouvelle Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle. Encore une fois, le gouvernement a opté pour la sous-déclaration et une mise en œuvre minimale de la nouvelle loi sur l'aide publique canadienne.

(1400)

En vertu de la loi, tous les ministres responsables de l'aide au développement officielle sont tenus de confirmer que les fonds versés au titre de l'aide au développement et les programmes élaborés sous leur autorité respectent les trois critères suivants : ils contribuent à la réduction de la pauvreté, ils tiennent compte des points de vue des pauvres et ils sont compatibles avec les normes internationales en matière de droits de la personne.

Tout comme le rapport de 2008-2009, le rapport de 2009-2010 ne reflète pas, encore une fois, l'esprit et l'objet de la loi. Il ne fait qu'énumérer les activités entreprises au moyen de l'aide publique au développement. Il n'analyse pas de façon méthodique en quoi ni pourquoi les activités entreprises grâce aux ressources pour l'aide au développement respectent les trois critères.

Pourquoi le gouvernement du leader refuse-t-il de fournir une analyse méthodique en profondeur afin de prouver, comme le ministre le prétend, que les trois critères stipulés dans la loi sont respectés?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Ces dernières années, tant le ministre des Affaires étrangères que la ministre de la Coopération internationale, qui est en charge de l'ACDI, ou le ministre d'État des Affaires étrangères (Amériques) se sont dignement acquittés de leurs fonctions de ministres. En ce qui concerne la ministre Oda et notre financement, les sénateurs savent pertinemment que nos engagements internationaux se fondent sur des principes bien établis.

Nous avons rendu l'aide internationale canadienne plus efficace et mieux ciblée; nous l'avons davantage axée sur les résultats et nous avons amélioré la reddition de comptes qui s'y rattache. Les fonds distribués par l'ACDI vont à des programmes qui s'attaquent directement à la pauvreté dans les pays en développement. En agissant de la sorte, les sommes consacrées au travail sur le terrain, c'est-à-dire aux efforts qui donnent les meilleurs résultats, peuvent être plus élevées. Les Canadiens s'attendent à ce que l'argent destiné à l'aide internationale aille à des projets qui s'adressent directement aux plus vulnérables de ce monde.

En ce qui concerne la question de madame le sénateur et les détails qu'elle me demande, je vais me renseigner sur nos programmes d'aide auprès des ministères concernés.

Le sénateur Tardif : Je remercie le leader de bien vouloir vérifier les renseignements demandés.

J'ai cependant une question complémentaire : aux termes de la même loi, l'ACDI et les autres ministères responsables de la distribution des fonds officiels d'aide au développement doivent consulter les organisations de la société civile, les pays en développement et les institutions multilatérales au sujet de la mise en œuvre de la loi.

Or, voilà que le nouveau programme d'aide bilatérale destiné à une vingtaine de pays a été créé par la ministre responsable de l'ACDI sans que la société civile ne soit consultée d'aucune façon. Ce n'est qu'un autre exemple de la manière dont le gouvernement fait fi de ses propres lois. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de suivre ses propres principes de consultation, et quand se décidera-t-il à expliquer ses politiques, ses stratégies et ses programmes d'aide au développement aux Canadiens de manière transparente et responsable?

Le sénateur LeBreton : Je crois que ni les programmes ni les intentions de la ministre responsable de l'ACDI, l'honorable Bev Oda, ne laissent planer le moindre doute. Nous avons toujours clairement affirmé, comme je le disais tout à l'heure, que nous ciblerions mieux la manière dont nous dépenserions l'argent destiné à l'aide internationale. Nous avons clairement identifié les pays qui seraient ciblés. Nous avons clairement énoncé la stratégie que nous entendions adopter pour rendre cette aide plus efficace. Tous les projets financés par l'ACDI, qu'il s'agisse de programmes géographiques, multilatéraux ou de partenariat, ont été évalués en fonction de ces normes, et c'est à la lumière de cette évaluation que l'ACDI décide, avec toute la diligence raisonnable voulue, quels projets seront acceptés et lesquels seront rejetés.

L'ACDI reçoit beaucoup de demandes. L'agence ne peut pas financer tous les programmes qui font l'objet d'une demande de fonds. C'est pourquoi le ministre a énoncé franchement et clairement la politique du Canada, qu'il s'agisse de ne plus lier l'aide alimentaire ou d'injecter l'argent directement dans les pays qui en ont le plus besoin. Nous avons accru considérablement le montant de notre contribution, particulièrement en Afrique, mais dans d'autres régions également.

Le gouvernement précédent avait une politique différente, mais le gouvernement actuel possède sa propre politique. Elle est efficace. Les fonctionnaires de l'ACDI font en sorte que l'argent durement gagné par les contribuables et payé sous forme d'impôts arrive bel et bien là où sont les besoins, c'est-à-dire aux très pauvres et à ceux qui sont visés par les questions de santé maternelle. L'argent arrive à ces gens et n'est plus distribué comme il l'était auparavant, c'est-à-dire sans savoir s'il parvenait aux gens qui en ont le plus besoin.

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, la question en est une de manque de consultations. La loi exige qu'il y ait des consultations et il n'y en a pas eu.

On lit également dans le rapport que l'approche des droits de la personne de l'ACDI fondée sur le principe dit « ne pas nuire » était minimaliste et inadéquate et n'abordait que dans une perspective très restreinte les obligations que lui impose la loi envers les droits de la personne. Pour que ses programmes soient cohérents avec les normes internationales sur les droits de la personne, l'agence devrait être capable de démontrer qu'elle peut raisonnablement s'attendre à ne pas nuire. Se contenter de déclarer que l'agence respecte ses obligations à l'égard des droits de la personne ne suffit pas pour que les Canadiens comprennent comment ses programmes et stratégies lui permettent de respecter ces obligations.

Quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour s'assurer que tous les ministres et toutes les agences fixent des normes exemplaires pour ce qui est de la production des rapports sur l'aide versée et sur la mise en œuvre des programmes?

Le sénateur LeBreton : Le gouvernement produit à l'intention des Canadiens des rapports qui établissent que nous gérons l'argent durement gagné qu'ils paient en impôts et que nous versons sous forme d'aide. Comme je l'ai déjà dit, les Canadiens s'attendent à des résultats. Ils veulent savoir que leurs impôts améliorent les choses. Le sénateur ne pense pas comme nous, mais notre plan inclut une aide bilatérale ciblée sur 20 pays; l'attribution de davantage de ressources et de pouvoirs sur le terrain, comme cela se doit; l'établissement de priorités, comme la sécurité alimentaire, les enfants et les jeunes et la croissance économique; et, comme je l'ai déjà mentionné, aucune aide ne sera liée à partir de 2013. Comme le sait également le sénateur, l'aide alimentaire n'est plus liée.

Récemment, aux Nations Unies, le premier ministre a annoncé notre nouvel engagement de 540 millions de dollars sur trois ans à l'égard du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Environ 61 p. 100 des ressources de ce fonds sont consacrées à la lutte contre le VIH-sida, 24 p. 100 à la prévention et au traitement du paludisme et 15 p. 100 à la lutte contre la tuberculose.

Notre gouvernement est fier de son engagement et du fait que nous sommes parvenus à doubler notre aide à l'Afrique en 2008-2009, soit un an plus tôt que prévu. Par ailleurs, l'Afrique reçoit 67 p. 100 de l'aide alimentaire que nous envoyons à l'étranger.

L'initiative menée par le Canada visant à sauver un million de vies, lancée par le premier ministre en Afrique en 2007, a permis de former 20 000 travailleurs de la santé et de distribuer 640 000 moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide. De plus, environ 80 p. 100 des sommes réservées à l'initiative en matière de santé maternelle et infantile sont destinées à l'Afrique subsaharienne.

L'honorable sénateur ne partage peut-être pas les mêmes opinions en matière de politique. En tant que gouvernement, nous croyons avoir une responsabilité envers ces pays et à l'égard des contribuables canadiens, et je crois que le gouvernement est sur la bonne voie. De nombreux pays nous ont dit que nos efforts soutenus produisent effectivement des résultats.

(1410)

Droits et Démocratie

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Tous les sénateurs sont au courant de ce qui se passe malheureusement à Droits et Démocratie, mais peut-être pas autant qu'on voudrait l'être. Nous attendons toujours en effet les résultats de la vérification judiciaire qui a été réclamée il y a sept ou huit mois.

Nous avons appris, par le dernier rapport annuel de l'organisation, que le gouvernement a parachuté un nouveau président ainsi que de nouveaux membres du conseil d'administration pour vraisemblablement réorganiser de fond en comble l'organisation — peut-être dans le but d'y faire le ménage, même si je pense que tout semblait en assez bon ordre. Que s'est-il passé ensuite? L'argent s'est mis à couler à flot. En un an seulement, les frais professionnels ont triplé, pour atteindre 960 000 $ à la fin de l'exercice financier se terminant en mars 2010. Les dépenses du conseil d'administration ont triplé au cours de la même période.

Le sénateur Oliver : Que dire des réunions?

Le sénateur Fraser : J'aborderai la question des réunions, sénateur Oliver, car c'est un point intéressant.

Si c'est l'idée que le gouvernement se fait d'une gestion saine, sur quoi se base-t-il? S'inspire-t-il des conseils des représentants du ministère de la Défense nationale du genre de ceux qui concernaient l'achat d'hélicoptères?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Si j'étais membre du Parti libéral, je ne mentionnerais jamais le mot « hélicoptère », étant donné tout l'argent que le Canada a dû dépenser après l'annulation du contrat qui a coûté aux industries canadiennes de l'aérospatiale des milliers d'emplois. Le sénateur sait bien que Droits et Démocratie est une organisation indépendante et financée par le gouvernement, dont le mandat consiste à promouvoir les droits de la personne et la démocratie à l'échelle internationale.

Le gouvernement appuie Droits et Démocratie et collaborera avec son nouveau président, M. Gérard Latulippe, afin de garantir l'avenir de l'organisation. On attend de M. Latulippe des résultats constructifs sur les plans de la gouvernance et de la gestion de l'organisation et on espère aussi qu'il réglera les problèmes internes avec la collaboration de tous les intéressés.

Droits et Démocratie est une organisation indépendante. Le gouvernement a nommé des gens afin de s'assurer que l'organisation fonctionne comme il faut et remplisse le mandat qu'elle est censée exécuter.

Le sénateur Fraser : Puis-je suggérer à madame le leader de rester vigilante? Quand un organisme prend notre argent et modifie son conseil d'administration, le mot « indépendant » ne s'applique peut-être pas tout à fait.

Permettez-moi de revenir au point soulevé par le sénateur Oliver concernant les assemblées supplémentaires. Au cours de cet exercice, le conseil d'administration a tenu deux assemblées supplémentaires au coût de 200 000 $, ou 100 000 $ par assemblée. Les sénateurs savent qu'il n'est pas nécessaire de dépenser 100 000 $ pour réunir un groupe de personnes et tenir une assemblée constructive et productive. Le Sénat fait exactement cela depuis longtemps. Je suis sûre que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration serait heureux de donner son avis, si on le lui demandait.

Dans le rapport annuel, pourquoi les présidents de l'organisme et de son conseil d'administration ne disent-ils que quelques mots de l'ancien président de Droits et Démocratie, le regretté Rémy Beauregard? Cet homme était très respecté, et il est mort subitement dans des circonstances particulières. Aucun des deux hommes ne mentionne M. Beauregard dans son petit message personnel au début du rapport. Ils ne le nomment même pas. L'hommage est aussi bref que possible. On y lit ceci :

M. Beauregard a été président de Droits et Démocratie, de sa nomination en mai 2008 jusqu'à son décès subit le 7 janvier 2010. Il laisse dans le deuil sa femme et son fils. Nous souhaitons nos plus sincères condoléances à sa famille et à tous ceux et celles qui le chérissaient.

On ne dit pas un mot de ce qu'il a fait pour le pays ou pour Droits et Démocratie. Quelle sorte de personnes le gouvernement nomme-t-il au sein de Droits et Démocratie? Ces gens ne sont même pas capables de se montrer courtois et de rendre un hommage mérité.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur se souviendra que, au moment de la mort prématurée de M. Beauregard, j'ai moi-même exprimé nos condoléances au nom du gouvernement et en notre nom à tous. Il va de soi que nous sympathisons avec la famille et que nous lui offrons notre soutien.

En tant que leader du gouvernement au Sénat, je ne puis répondre au nom d'un conseil indépendant qui relève du gouvernement. À titre d'organisme indépendant, Droits et Démocratie rédige ses propres rapports.

Le sénateur a d'abord parlé des dépenses de l'organisme. Le conseil d'administration de Droits et Démocratie a demandé à Deloitte & Touche de vérifier ses livres. Nous croyons comprendre que le cabinet Deloitte a présenté son rapport final, ou qu'il est sur le point de le faire. Ce document relève uniquement de la compétence de Droits et Démocratie. Je suis sûre que l'organisme y réagira en temps et lieu.

Quoi qu'il en soit, en tant que leader du gouvernement au Sénat, je n'ai certainement pas l'intention de parler et de répondre au nom d'un organisme indépendant ou de m'ingérer dans ses affaires. Même si Droits et Démocratie est financé par le gouvernement, c'est un organisme indépendant, et c'est lui qui doit rendre des comptes sur ses activités.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentantes coréennes du Réseau international des femmes, notamment Katherine Um, Monica Kim, Susanna Park et Esther Choi.

Au nom de tous les sénateurs, je leur souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les réponses à trois questions orales posées par l'honorable sénateur Sibbeston, le 11 mai 2010, concernant les transports, le financement des projets dans le Nord, par l'honorable sénateur Rompkey, le 11 mai 2010, concernant les transports, le financement des projets dans le Nord, et par l'honorable sénateur Sibbeston, le 8 juin 2010, concernant les transports, le projet hydroélectrique de la rivière Taltson.

L'infrastructure

Le financement des projets dans le Nord

(Réponse aux questions posées le 11 mai 2010 par l'honorable Nick G. Sibbeston et par l'honorable Bill Rompkey)

Dans le cadre du budget de 2009, on a créé le Fonds de stimulation de l'infrastructure (FSI), d'une valeur de 4 milliards de dollars, pour financer des projets d'infrastructure à l'échelle provinciale, territoriale et municipale. Aux termes du Fonds de stimulation de l'infrastructure, le gouvernement du Canada s'est engagé à verser plus de 12 milliards de dollars dans le cadre de projets dans le Nord (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut), pour une valeur totale de plus de 28 millions de dollars.

Les projets financés aux termes du Fonds de stimulation de l'infrastructure doivent être terminés au plus tard le 31 mars 2011. Dans leur demande de financement, les demandeurs devaient attester que leurs projets pouvaient être terminés avant la date limite. Il est important de noter que le gouvernement du Canada versera sa part des coûts admissibles engagés dans le cadre des projets approuvés jusqu'au 31 mars 2011.

Le gouvernement du Canada comprend les difficultés relatives à l'exécution rapide de projets dans le Nord, où la construction et l'acquisition des matériaux, entre autres choses, sont assujetties aux conditions météorologiques. Cependant, le principal objectif des investissements de stimulation du Plan d'action économique consiste à appuyer l'économie canadienne en temps de crise économique. Les fonds de stimulation doivent être dépensés de façon rapide, ciblée et temporaire, afin de fournir aux Canadiens l'aide dont ils ont besoin au moment opportun.

Il convient également de souligner qu'Infrastructure Canada a mis en place une vaste gamme de programmes visant l'amélioration de l'infrastructure publique, dont la plupart sont des programmes à long terme qui prévoient des délais plus souples.

Dans le budget de 2007, le gouvernement du Canada a annoncé le plan Chantiers Canada de 33 milliards de dollars, une initiative historique visant à faire avancer des priorités nationales importantes pour tous les Canadiens, soit une économie plus forte, un environnement plus sain et de meilleures collectivités, tout en répondant aux besoins locaux et régionaux en infrastructure sur une période de sept ans (2007-2014). Les composantes du plan Chantiers Canada qui sont gérées par Infrastructure Canada incluent le Fonds Chantiers Canada (FCC), un fonds de 8,8 milliards de dollars et le Financement de base pour les provinces et les territoires, un programme de 2 275 millions de dollars.

Le FCC est un fonds qui a été affecté aux administrations en fonction du nombre d'habitants. Pour tenir compte des défis uniques du Nord canadien en matière d'infrastructure, l'affectation de chaque territoire aux termes du Fonds Chantiers Canada (un total de 26,4 millions de dollars) a été ajoutée au Financement de base pour les provinces et les territoires.

Le Financement de base pour les provinces et les territoires vise à verser un total de 175 millions de dollars à chaque administration pour lui permettre de répondre à ses besoins essentiels en matière d'infrastructure. À la lumière du fait que l'affectation des trois territoires aux termes du FCC a été ajoutée au Financement de base pour les P/T, l'affectation du Yukon est de 182,9 millions de dollars, celle des Territoires du Nord-Ouest est de 185,8 millions de dollars et celle du Nunavut s'élève à 182,7 millions de dollars.

Pour tenir compte des besoins en infrastructure uniques des administrations du Nord, les investissements admissibles dans les trois territoires comprennent également les infrastructures du Nord. De plus, jusqu'à 3 p. 100 de toutes les initiatives communautaires qui sont soumises dans le cadre d'un plan d'immobilisations peut servir à payer les frais d'administration connexes, et jusqu'à 1 p. 100 de l'affectation de chaque territoire aux termes du Financement de base pour les P/T peut servir aux études de recherche, de connaissance et de faisabilité, de même qu'aux initiatives de renforcement des capacités visant des collectivités.

Dans le budget de 2009, on a offert à l'ensemble des provinces et des territoires la possibilité de profiter d'une somme maximale d'un milliard de dollars en paiements accélérés. Les fonds initialement prévus pour les exercices 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014 ont été offerts en 2009-2010 et 2010-2011 aux provinces/territoires qui ont choisi d'accélérer le versement du financement et qui pouvaient démontrer qu'ils étaient en mesure d'utiliser ces fonds rapidement.

L'environnement

La production d'hydroélectricité dans le Nord

(Réponse à la question posée le 8 juin 2010 par l'honorable Nick G. Sibbeston)

Le gouvernement du Canada fait des investissements stratégiques dans l'infrastructure afin de contribuer au renforcement de l'économie, à la création d'emplois, à l'assainissement de l'environnement, ainsi qu'au dynamisme et à la prospérité des collectivités. Dans le budget de 2009, le gouvernement a annoncé de nouveaux investissements de près de 12 milliards de dollars pour stimuler l'infrastructure sur une période de deux ans. Ces nouveaux investissements considérables dans l'infrastructure comprennent notamment le Fonds pour l'infrastructure verte (FIV), qui offrira des fonds de un milliard de dollars sur cinq ans pour la construction de nouvelles infrastructures liées à l'énergie durable et pour la réalisation d'autres projets écologiques.

Le FIV réalise des investissements ciblés dans le domaine de l'infrastructure publique verte, ce qui permet d'améliorer la qualité de l'environnement et d'assurer la durabilité de l'économie à long terme. Le FIV appuie les projets d'infrastructure verte en fonction d'un modèle de partage des coûts. Les projets admissibles font partie de l'une des catégories suivantes : infrastructure des eaux usées; production d'énergie verte; transport de l'énergie verte; déchets solides; transport et stockage du carbone. Les bénéficiaires admissibles comprennent les provinces, les territoires, les administrations locales ou régionales, les organismes du secteur public, les organisations sans but lucratif et les entreprises privées, seuls ou en partenariat avec une province, un territoire ou un gouvernement. Les projets sont examinés en fonction de critères tels que l'admissibilité, l'attraction d'investissements et les avantages du projet. En général, ce fonds est axé sur quelques projets d'infrastructure stratégique de grande envergure.

Le gouvernement du Canada reconnaît les importants avantages économiques du projet d'agrandissement des installations hydroélectriques de la rivière Taltson pour la viabilité à long terme des mines existantes, ainsi que pour l'attraction de futures exploitations minières dans les Territoires du Nord-Ouest. Cependant, le projet doit être examiné à la lumière des objectifs et des intentions du FIV.

Le FVI vise à appuyer l'infrastructure publique qui entraîne des avantages évidents pour l'environnement. À l'heure actuelle, le projet proposé appuierait principalement les exploitations minières actuelles et potentielles dans les Territoires du Nord-Ouest, en offrant des avantages additionnels sur le plan de la fiabilité du service et de la réduction des frais à long terme dans l'intérêt de collectivités qui sont déjà reliées au réseau de distribution. Même si une réduction des émissions de GES est possible, en fonction des ententes conclues avec les exploitations minières, le projet n'est pas conforme aux critères du FIV qui concernent les projets de cette nature.

De plus, selon la proposition présentée, la contribution du gouvernement du Canada constituerait l'unique investissement concret d'envergure, tandis que le reste des fonds seraient empruntés en fonction des revenus futurs.

Par conséquent, le projet d'agrandissement des installations hydroélectriques de la rivière Taltson n'est pas considéré comme un candidat approprié au financement versé aux termes du FIV.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Le Revenu national—Le fonds de diversification de Goose Bay

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 29 inscrite au Feuilleton par le sénateur Rompkey.

Les pêches et les océans—L'accroissement de l'activité aérienne, terrestre et maritime dans le Nord

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 30 inscrite au Feuilleton par le sénateur Rompkey.


(1420)

ORDRE DU JOUR

Projet de loi d'harmonisation no 3 du droit fédéral avec le droit civil

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Claude Carignan propose que le projet de loi S-12, Loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-12, Loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

Le projet de loi S-12 est le troisième projet de loi présenté pour adoption par le Parlement en vue d'harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec. Vous vous rappellerez que le projet de loi S-4, déposé en 2001, est devenu la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, et que le projet de loi S-10, déposé en 2004, est devenu la Loi d'harmonisation no 2 du droit fédéral avec le droit civil.

Je tiens également à souligner que, depuis l'adoption des deux premières lois d'harmonisation, le Parlement a examiné et adopté plusieurs modifications d'harmonisation visant différentes lois. À titre d'exemple, le Parlement a adopté, au cours de la première session de la 39e législature, le projet de loi S-6, intitulé Loi modifiant la Loi sur la gestion des terres des premières nations, lequel est devenu loi le 22 juin 2007, et est entré en vigueur le 1er février 2008. Cette loi avait pour unique objet de modifier la Loi sur la gestion des terres des premières nations pour qu'elle tienne compte, dans la mesure prévue par l'accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations, des concepts et de la terminologie propres au droit civil du Québec.

Le Parlement a aussi adopté plusieurs nouvelles lois qui ont été révisées au regard du bijuridisme lorsqu'elles étaient en voie d'élaboration, comme la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, qui a reçu la sanction royale le 23 juin 2009.

Enfin, le Parlement étudie actuellement le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale et d'autres lois, qui contient plusieurs modifications d'harmonisation. La Chambre des communes a adopté ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture le 25 mai 2010, et l'a renvoyé au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.

Je vais maintenant aborder trois points qui nous aideront dans notre étude du projet de loi S-12 : le premier est le contexte du bijuridisme canadien et de l'harmonisation.

Honorables sénateurs, en premier lieu, pour bien saisir les origines de l'initiative d'harmonisation, il est primordial de comprendre que, au Québec, les droits et obligations en matière de propriété et de droits civils sont principalement régis par le Code civil du Québec, alors que, dans les neuf autres provinces et les trois territoires, ils le sont principalement par la common law. C'est l'Acte de Québec, en 1774, qui a consacré la coexistence des traditions de common law et de droit civil au Canada.

La Loi constitutionnelle de 1867, qui a divisé les pouvoirs législatifs entre le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales, n'a pas changé cette situation. En conférant la compétence en matière de propriété et de droits civils aux provinces, la Loi constitutionnelle de 1867 a permis à ces dernières de légiférer dans des domaines clés. Plusieurs exemples peuvent être cités, notamment les règles régissant la famille, les successions, la propriété et les contrats.

Pour sa part, le Parlement fédéral, dans l'exercice de ses pouvoirs législatifs, a régulièrement recours à des concepts en matière de propriété ou de droits civils. Lorsqu'il le fait et qu'il est nécessaire d'interpréter un tel concept, ce sont les règles, principes et notions en vigueur dans la province ou le territoire où le texte fédéral est appliqué qui en donnent le sens. De cette façon, le droit provincial ou territorial vient compléter le droit fédéral.

Honorables sénateurs, cette complémentarité du droit provincial requiert que chaque version linguistique des lois et des règlements fédéraux prenne en considération la tradition de droit civil du Québec ainsi que la ou les traditions de common law des autres provinces ou territoires. Voilà exactement ce que vise le projet de loi S-12.

Ce faisant, l'initiative d'harmonisation assure également le respect de la dualité du système juridique canadien et des quatre auditoires juridiques, soit les francophones de droit civil, les anglophones de droit civil, les anglophones de common law et les francophones de common law.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, le Code civil du Québec est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Dans l'histoire juridique de notre pays, le Code civil du Québec constitue un jalon important : l'importance des changements qu'il a effectués dans le droit québécois a amené le gouvernement fédéral à entreprendre une initiative d'harmonisation.

Ce troisième projet de loi d'harmonisation est une occasion pour le gouvernement fédéral de reconnaître, encore une fois, l'importance du droit civil québécois et son incidence sur l'application de la législation fédérale au Québec.

L'harmonisation assure un meilleur accès à la justice à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens. De même, elle rend l'application de la législation fédérale plus efficiente, ce qui devrait avoir pour effet d'améliorer l'efficacité de l'administration de la justice en général.

Il est important de se rappeler que tous les Canadiens et Canadiennes tirent profit de l'harmonisation. En effet, si l'harmonisation permet aux Québécois et aux Québécoises de mieux se reconnaître dans la législation fédérale, il en résulte également une clarification du corpus législatif fédéral qui devient plus respectueux des institutions propres, tant en droit civil que pour la common law. Un des objectifs de l'initiative d'harmonisation est de faire en sorte que toutes les modifications apportées à la législation fédérale prennent en compte la terminologie française de common law élaborée au Canada. Cette terminologie est le résultat d'études importantes visant à refléter, en français, des notions qui n'avaient été développées que pour la common law d'expression anglaise. Il s'agit d'une amélioration remarquable qui fait du Canada un leader mondial dans le domaine du bijuridisme.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant aux articles 8.1 et 8.2 de la Loi d'interprétation. Je vous rappelle que ces articles ont été ajoutés à la Loi d'interprétation, en 2001, par la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil. L'article 8.1 reconnaît la réalité du bijuridisme canadien en matière de propriété et de droits civils et le fait que le droit provincial sert de droit supplétif au droit fédéral. Pour sa part, l'article 8.2 énonce une règle facilitant l'interprétation des lois et des règlements fédéraux utilisant des termes propres au droit civil et à la common law. Cette règle apporte aussi un éclairage sur les techniques de rédaction de la législation fédérale bijuridique.

Depuis leur entrée en vigueur en 2001, les articles 8.1 et 8.2 de la Loi d'interprétation ont été utilisés par les tribunaux lorsque des questions de bijuridisme étaient en jeu. Ainsi, en 2001, dans l'affaire St-Hilaire c. Procureur général du Canada, la Cour d'appel fédérale a mis en application les principes d'interprétation bijuridique énoncés par les articles 8.1 et 8.2. La Cour suprême du Canada a fait de même à plusieurs reprises, notamment dans la récente affaire Caisse populaire Desjardins de l'Est de Drummond c. Canada, en 2009.

Dans l'arrêt Schreiber c. Procureur général du Canada, en 2002, la Cour suprême a tenu compte des nouvelles techniques de rédaction législative bijuridique.

Je peux également citer d'autres arrêts de la Cour suprême du Canada dans lesquels la cour a eu à régler des problèmes de bijuridisme, notamment l'affaire D.I.M.S. Construction inc. c. Procureur général du Québec, en 2005, l'affaire Peoples c. Wise, en 2004, et l'affaire Canada 3000, en 2006.

Nous pouvons donc constater, honorables sénateurs, que les modifications d'harmonisation ont des effets réels sur l'évolution du droit canadien.

Enfin, il est important de noter que les articles 8.1 et 8.2 s'appliquent, en tant que règles générales d'interprétation, à tous les textes législatifs fédéraux, même à ceux qui n'ont pas encore été harmonisés.

(1430)

Je conclurai mon exposé par quelques commentaires relatifs au projet de loi S-12.

Premièrement, sur la méthode utilisée pour en arriver à ce troisième projet de loi d'harmonisation, il faut souligner que, tout comme ce fut le cas pour les deux premières lois d'harmonisation, des intervenants clés et des membres de la communauté juridique ont été consultés. La consultation s'est déroulée du 1er février au 30 avril 2008 et visait plus spécifiquement la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur l'expropriation.

Parmi les principaux intéressés, on comptait les procureurs généraux des provinces et des territoires et leurs sous-ministres, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, l'Association du Barreau canadien, des professeurs, des experts en droit civil et en droit comparé, des avocats et des juges.

Un document de consultation a été affiché sur le site Internet du ministère de la Justice pendant toute la durée de la consultation. Ce document a aussi été envoyé par courrier à plus de 350 personnes : ministres et sous-ministres de la Justice des provinces et des territoires, juges de la Cour suprême du Canada, juges en chef des cours fédérales et de quelques cours provinciales, barreaux provinciaux, professeurs de droit et conseillers juridiques en pratique privée.

Permettez-moi de citer quelques-uns des commentaires recueillis :

Du ministre de la Justice du Québec :

Le ministère de la Justice du Québec ne peut, encore une fois, que favoriser la politique du bijuridisme législatif qui sous-tend ce nouvel exercice d'harmonisation auquel vous vous prêtez, politique qui permet à la fois de reconnaître l'apport de la tradition de droit civil au droit canadien et de s'assurer de l'application au Québec des notions et règles de droit civil lorsqu'il y a lieu de compléter le droit fédéral. L'harmonisation des législations fédérales et québécoises, eu égard aux concepts, aux institutions et à la terminologie de droit privé est, certes, souhaitable. Mais plus encore elle paraît nécessaire pour éviter que des citoyens et des entreprises ne perdent des droits en raison d'une insuffisance dans l'approche législative ou des incertitudes que celle-ci pourrait générer.

De l'Université McGill :

Je suis avec grand intérêt les travaux importants du ministère de la Justice sur le bijuridisme. Ces travaux représentent, à mon avis, une contribution sensible à l'avancement du droit et vous devez en être très fiers au Ministère.

Du procureur général de l'Ontario :

Il s'agit d'un travail méticuleux qui exige un temps considérable. [...] Continuez votre bon travail!

De plus, un numéro spécial (volume 42, numéros 1 et 2 — 2008) de la Revue juridique Thémis, réalisé en collaboration avec le ministère de la Justice dans le cadre de l'initiative d'harmonisation, a été lancé, le 20 février 2008, à la faculté de droit de l'Université de Montréal. Ce numéro spécial contenait des textes d'experts en droit des sociétés, qui analysaient en profondeur certaines des propositions d'harmonisation relatives à la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Il est clairement ressorti de ces consultations que l'initiative d'harmonisation est considérée comme importante et qu'elle est appuyée par les membres intéressés de la communauté juridique.

Quant au contenu du projet de loi S-12, j'attire votre attention sur le fait qu'il propose d'harmoniser les 12 lois suivantes : la Loi sur les chambres de commerce, la Loi sur la Banque de développement du Canada, la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, la Loi sur l'inspection de l'électricité et du gaz, la Loi sur l'expropriation, la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux, la Loi sur les documents publics, la Loi sur le Conseil canadien des normes, la Loi sur l'étiquetage des textiles et la Loi sur les poids et mesures.

Le projet de loi propose également des modifications corrélatives à quatre autres lois.

Honorables sénateurs, je tiens à mentionner que les modifications découlant de l'harmonisation sont de nature technique et terminologique; elles ne visent pas à modifier l'intention du législateur.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que l'harmonisation et le bijuridisme législatif contribuent au respect de nos deux systèmes de droit et de nos deux langues officielles. De plus, il s'agit d'une manifestation claire de l'approche de collaboration de ce gouvernement vis-à-vis des provinces et territoires. En intégrant, lorsque cela s'avère nécessaire, la terminologie du droit privé provincial ou territorial dans la législation fédérale, le Parlement fédéral se montre respectueux du rôle des provinces et des territoires en matière de propriété et de droits civils.

Honorables sénateurs, je vous remercie chaleureusement de votre attention et je vous invite à appuyer sans réserve le projet de loi S-12.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(1440)

[Traduction]

La réforme parlementaire

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant une réforme du Parlement réaliste et efficace.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Cowan d'avoir présenté cette interpellation. Dieu sait que nous avons consacré beaucoup de temps aux questions relatives à la réforme parlementaire. Il s'agit plutôt d'une réforme du Sénat, mais le point de vue du sénateur Cowan, voulant que nous réfléchissions à l'ensemble du système, est essentiel.

Nous parlons beaucoup de réforme du Sénat et nous avons tous nos idées sur les améliorations, petites et grandes, qui devraient être apportées à notre institution. Nous avons tous notre point de vue sur la durée appropriée du mandat des sénateurs et sur la façon de les nommer. Pour ma part, j'aimerais que nous examinions les possibilités d'améliorer notre rôle de représentation des régions au Parlement du Canada.

Je voulais prendre la parole aujourd'hui, car je vous exhorte, dans le cadre du débat sur la réforme du Sénat, à ne pas oublier que notre assemblée fait partie d'un mécanisme très complexe et fragile. Honorables sénateurs, si on apporte une modification à l'un des aspects de ce mécanisme, aussi simple et souhaitable soit-elle, cela pourrait avoir des répercussions sur les autres aspects du mécanisme et sur son fonctionnement global.

En ce qui concerne les réformes à apporter au Sénat, j'ai toujours préféré les termes « moderniser » ou « améliorer » le Sénat, parce que le mot « réformer » donne l'impression que notre assemblée est un lieu affreux, une porcherie qu'il faut nettoyer. En fait, je pense que notre assemblée est une institution merveilleuse. Des changements positifs sont les bienvenus, mais j'éviterais le mot « réformer ».

Honorables sénateurs, lorsqu'il est question de changements au Sénat, il faut penser sérieusement aux répercussions de ces changements pour la Chambre des communes, les provinces, les régions que nous sommes censés représenter et les minorités que nous représentons fièrement depuis quelques années. Quand on considère ces répercussions, tout devient beaucoup plus compliqué. Ces complications sont d'ailleurs amplifiées par le fait que ce qui se dit de notre institution est fondé sur des mythes plutôt que sur la réalité.

Honorables sénateurs, je crois depuis longtemps que nous devrions commencer par examiner la façon dont le Sénat évolue depuis 143 ans. Nous ne devrions pas nous arrêter seulement sur ce qu'il est sur papier, ou ce qu'il était en 1867 lorsque les Pères de la Confédération se sont surpassés dans ce travail d'édification, comme on l'a dit dans un contexte plus vaste. Il faut plutôt examiner de quelle façon le Sénat s'insère dans l'ensemble du système. Dieu sait qu'il s'agit d'un vaste sujet et que je n'aurai pas le temps de le couvrir en entier, mais j'aimerais partager avec vous quelques réflexions.

Honorables sénateurs, une grande partie de ce que nous sommes vient des deux faits suivants, qui sont presque des clichés : nous ne sommes pas élus et notre emploi est assuré jusqu'à l'âge de 75 ans. Nous ne pouvons pas être congédiés parce que nous déplaisons au patron. Parfois, à notre arrivée ici, nous ne comprenons pas à quel point cet élément est important au Sénat. Pour ma part, je ne le comprenais certainement pas. Je répète, nous ne pouvons pas être congédiés parce que nous déplaisons au patron. Bien sûr, comme nous siégeons au Sénat pendant relativement longtemps, nous disposons d'une mémoire institutionnelle étendue.

Le sénateur Munson : J'ai été renvoyé.

Le sénateur Fraser : Vous n'avez pas été renvoyé du Sénat.

Ces faits ont des implications dont nous sommes conscients, des implications pour nous, mais également pour l'ensemble du système.

Le Sénat est la moins partisane des deux Chambres. En tant que sénateurs, nous ne sommes pas des saints. Par contre, nous appartenons à une institution politique et nous en sommes fiers. Les sénateurs qui siègent aux caucus des partis sont également fiers de leur loyauté envers leurs partis respectifs. Généralement, au quotidien, le Sénat est toutefois moins partisan que l'autre endroit. Nos débats et les travaux de nos comités ne visent donc pas nécessairement à marquer des points pour les partis, car nous n'avons pas à nous demander si nous serons réélus demain. Nous pouvons donc mieux nous concentrer sur les questions de fond et les implications à plus long terme. Nous pouvons par conséquent étudier des questions sur lesquelles la Chambre des communes hésite à se pencher pour des raisons politiques. Je mentionnerai, par exemple, l'euthanasie, la décriminalisation des drogues et la santé mentale, autant de domaines dans lesquels le Sénat a fait un travail important, mais autant de domaines que la Chambre des communes n'a pas osé aborder.

Honorables sénateurs, comme ce serait plutôt difficile de nous renvoyer, nous pouvons dire la vérité aux autorités, publiquement, dans cette enceinte, dans les comités, à l'extérieur de la Chambre et en privé, notamment au sein des caucus de nos partis respectifs. J'ai souvent pensé que l'un des plus importants rites de passage pour un nouveau sénateur consiste à dire pour la première fois à son chef de parti quelque chose qui le met en rogne. Quand j'ai été nommée au Sénat, mon premier chef était Jean Chrétien, le premier ministre qui m'avait nommée. Nul besoin d'expliquer qu'un Jean Chrétien en colère était vraiment impressionnant, mais j'étais capable de lui dire ce qui, à mon avis, devait être dit, car je n'avais pas à avoir peur. En fait, M. Chrétien n'était pas effrayant, mais il avait une forte personnalité et il était un homme de grande conviction.

Lorsque notre conscience nous le dicte, nous pouvons voter contre la ligne de parti. C'est beaucoup plus difficile à faire à l'autre endroit. Compte tenu de la nature même du Sénat, nos règles sont et doivent être plus souples que celles de l'autre endroit, ce qui signifie que nous pouvons souvent nous permettre d'étudier certaines questions plus en profondeur que le gouvernement ne le souhaiterait. Nous sommes libres de le faire. En fait, il serait difficile pour quiconque de nous empêcher d'examiner une question ou une autre.

Comme nous l'avons souvent souligné, du fait que nous sommes nommés, notre effectif est bien diversifié et beaucoup de gens qui ne se porteraient pas candidats, mais qui sont des fleurons de la vie publique, siègent au Sénat. Sans parler des sénateurs actuels, remontons dans le passé et pensons à des gens comme sœur Peggy Butts, que le sénateur Cowan a mentionnée; à Lois Wilson, ancienne modératrice de l'Église unie du Canada; à l'artiste Viola Léger; à Betty Kennedy, vedette du petit écran; à Thelma Chalifoux, ancienne des Métis; ainsi qu'à Florence Bird, journaliste et présidente d'une commission royale. Aucune de ces femmes ne se serait portée candidate. Et cela n'est qu'un petit échantillon des femmes qui ont siégé ici. Au cas où vous l'auriez remarqué à l'exception du sénateur Wilson, elles étaient toutes d'allégeance libérale. Je n'ai mentionné aucun conservateur, essentiellement parce que beaucoup de mes sénateurs conservateurs préférés sont encore en poste et que je me limite aux sénateurs qui ne siègent plus ici.

Nul besoin de rappeler l'énorme contribution du sénateur Keon et du sénateur Gérald Beaudoin, pour ne nommer que deux sénateurs récents.

Depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés, nous sommes de plus en plus fiers de concentrer nos efforts sur notre rôle de défenseurs des droits de la personne et des droits des minorités. Notre sort n'est pas entre les mains d'une majorité d'électeurs et nous pouvons donc concentrer nos efforts là où nous considérons que c'est utile. Je vous accorde que, il y a 143 ans sir John A. Macdonald a dit, probablement en plaisantant, que la minorité que nous devions représenter ici, c'était les riches; or, sauf très rarement, ce ne sont pas les riches que nous avons été fiers de défendre depuis quelque temps. Nous avons défendu les droits des minorités, les droits des femmes et ceux d'autres segments de la population canadienne qui sont parfois laissés pour compte à l'autre endroit.

(1450)

Il est vrai que, n'étant pas des élus, nous exerçons prudemment les pouvoirs assez vastes qui nous ont été conférés. Ce n'est pas une mauvaise chose. Nous avons eu tendance à appliquer ce qui, en Grande-Bretagne, s'appelle le principe de Salisbury. La Chambre haute respecte généralement les éléments précis du programme électoral qui a permis à un gouvernement d'être porté au pouvoir, du moins en principe. Le sénateur Murray me regarde d'un air ulcéré pendant que je fais ressortir ce point. C'est néanmoins ce que nous faisons.

Tout ce que je viens de mentionner, dont plusieurs éléments qui nous sont familiers, revêt une très grande valeur dans notre système parlementaire. J'ai essayé d'attirer l'attention sur certains des aspects par lesquels se distingue le Sénat et qui, dans notre système actuel, sont moins évidents ailleurs dans le système. Cela est d'autant plus vrai, pour ne mentionner que deux facteurs, dans le cas des femmes et pour ce qui est du fait que, dans l'arène politique canadienne, le plafond de verre semble être, pour une raison qui m'échappe, plus épais — plus robuste, comme quelqu'un le disait l'autre jour —, que dans bien d'autres pays. Le processus de nomination que l'on utilise ici a permis de rééquilibrer les choses, si bien que, toutes proportions gardées, il y a plus de femmes au Sénat qu'il ne s'en fait jamais élire à la Chambre des communes.

Autre point important à signaler : étant ce que nous sommes, nous ne sommes pas aussi strictement astreints à la discipline de parti, ce qui nous permet peut-être de jeter un regard neuf sur les tensions régionales qui font éternellement partie de la réalité de notre pays. Un pays aussi vaste et aussi diversifié que le Canada connaît des tensions régionales. C'est notamment ce qui explique l'imposition si fréquente de la discipline de parti à l'autre endroit. Afin d'assurer une bonne gouvernance pour tous les Canadiens, il faut parfois prendre des décisions qui déplaisent aux habitants de certaines régions. À la Chambre des communes, on a recours à la discipline de parti à cette fin.

Nous agissons de façon un peu différente, ce qui signifie que même si sir John A. Macdonald n'avait peut-être pas prévu nos façons de faire, nous pouvons très bien assurer un second examen objectif sur bon nombre de questions et nous le faisons.

Je ne dis pas que nous sommes parfaits, loin de là. Nous sommes humains. Aucune institution humaine n'a jamais été reconnue comme étant parfaite, et certainement pas celle-ci, créée il y a 143 ans.

Lorsque nous décidons de changer nos façons de faire, nous ne devons pas nous limiter à évaluer ce que ces changements pourraient nous apporter. Il est clair, par exemple, que, au XXIe siècle, le public tend à être beaucoup plus disposé à élire les parlementaires qu'à les nommer. Cela pourrait être très positif à plusieurs égards. Nous devons toutefois également évaluer ce que nous risquons de perdre. Quand je dis « nous », je ne veux bien sûr pas parler des personnes qui siègent en cette enceinte en ce moment, mais bien du système et des Canadiens en général qui pourraient perdre cet ilôt qui exerce une influence un peu plus pondérée, plus durable et moins partisane au sein du Parlement du Canada.

Comment pourrons-nous remplacer cela? Y arriverons-nous? Si nous ne pouvons le faire, comment pourrons-nous compenser cette perte? Le Canada a besoin d'une institution qui fait ce que celle-ci, à son meilleur, peut faire. Que ce soit la présente institution ou une autre qui s'en charge, ce sont des choses qui doivent être faites. Qui s'en chargera si nous ne le faisons pas?

J'aurai bientôt épuisé le temps auquel j'ai droit et je vais donc épargner à mes collègues la description de ma propre vision de la façon dont les changements pourraient être apportés. Puis-je avoir quelques minutes de plus, chers collègues? J'ai presque terminé.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Pas plus de cinq minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Je renvoie les sénateurs à certaines des suggestions qui ont été faites par notre ancien collègue, le sénateur Hays, un homme ayant plus d'expérience à plusieurs niveaux et dans plusieurs secteurs de notre institution que la plupart d'entre nous. Je ne partage pas son avis sur toutes les suggestions qu'il a faites, mais je reconnais qu'elles sont réfléchies et homogènes.

Enfin, j'aimerais exhorter les sénateurs à ne pas prendre à la légère les avertissements du sénateur Cowan, qui a souvent répété que nous devons examiner le système dans son entier. Nous devons réfléchir à une stratégie qui tiendrait compte de tout ce système dont nous faisons fièrement partie et nous devons le faire en tenant compte des réalités du XXIe siècle, sans perdre les importantes valeurs qui, dans l'ensemble, nous ont aidés à évoluer au cours des XIXe et XXe siècles.

L'honorable Bert Brown : Est-ce que je peux poser une question au sénateur?

Le sénateur Fraser : Oui.

Le sénateur Brown : Madame le sénateur connaît-elle la phrase qui se trouve en haut de la page 7 des Lois constitutionnelles de 1867 et de 1982?

Le sénateur Comeau : Elle devrait l'avoir sur le bout de la langue.

Le sénateur Fraser : Je n'ai habituellement pas les numéros de page sur le bout de la langue. Le sénateur peut peut-être me lire le texte.

Le sénateur Brown : Puis-je lire la phrase au sénateur?

Le sénateur Fraser : Lisez-la.

Le sénateur Brown : C'est « Représentation des provinces au Sénat ».

Le sénateur Fraser : Madame le sénateur ne sait pas qu'il met le doigt sur un des sujets qui peuvent me pousser à m'emporter. J'essaierai de me retenir.

Je m'emporte parce que je crois que nous avons une regrettable tendance au Canada à supposer qu'un gouvernement provincial, c'est la province. Un gouvernement provincial n'est pas plus une province que le gouvernement du Canada n'est le Canada. De cette fausse impression découlent, selon moi, de nombreuses erreurs dans notre vision des affaires publiques.

Plus généralement, pour ce qui est du Sénat, il a souvent été suggéré que nous renoncions, à toutes fins utiles, à la vieille division par régions qui a été établie en 1867 pour nous consacrer entièrement à la représentation des provinces. Que nous les appelions régions ou provinces, ce qui importe le plus, c'est la répartition des sièges. Je sais que je n'ai pas le temps de m'attaquer à cette question, mais en gros, c'est cela. Que nous disions représentation des provinces, représentation des régions ou représentation de la population du Canada, il me semble que cela exige certaines décisions, mais c'est le contenu et non l'étiquette qui compte.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, en écoutant l'intéressante contribution que le sénateur Fraser a apportée au débat, j'avais l'intention de présenter une ou deux notions par le moyen détourné de questions. Cependant, le temps accordé au sénateur étant écoulé, je ferai, avec l'obligeance des sénateurs, quelques observations impromptues.

Tout d'abord, pour ce qui est de la représentation des provinces au Sénat, je tiens à exprimer mon regret sincère que l'initiative lancée il y a quelques années par notre ancien collègue, le sénateur Austin, et moi en vue d'instaurer un meilleur équilibre en remédiant à la sous-représentation indécente de l'Ouest du Canada n'ait abouti à rien.

(1500)

Sans vouloir offenser qui que ce soit, je dois dire que je regrette particulièrement que cette initiative ait suscité l'opposition de sénateurs provenant de certaines parties du pays, comme l'Atlantique ou le Québec, qui ont souvent sollicité — et obtenu — la sympathie et la compréhension de leurs collègues du reste du Canada concernant leurs besoins spéciaux ou particuliers. Je suis peiné de voir que le problème que constitue la sous-représentation de l'Ouest canadien n'ait pas été mieux compris par les sénateurs. Mais n'ayez crainte, je ne me lancerai pas de nouveau dans ce débat.

J'aimerais cependant souligner que le sénateur Campbell semblait tout à fait disposé à joindre sa voix à la mienne et à remplacer le sénateur Austin à titre de parrain. Si j'ai décidé de ne pas tenter une nouvelle fois de faire modifier la Constitution, c'est que la Chambre des communes étudie déjà un projet de loi visant à rendre la représentation des sénateurs plus conforme à la distribution démographique. Peut-être verrai-je les choses différemment.

En ce qui concerne le fonctionnement du Sénat, je m'aperçois, après y avoir passé plus de 30 ans de ma vie, qu'on risque toujours, aussi minime ce risque soit-il, de finir par se répéter, ce que j'essaie bien sûr d'éviter. Si ce n'est pas la première fois que vous m'entendez dire tout cela, je vous en supplie, ne m'arrêtez pas.

Le sénateur Meighen : Ne vous en faites pas, nous ne nous en souviendrons pas.

Le sénateur Murray : Le sénateur Meighen dit qu'il ne s'en souviendra pas. S'il savait la peine qu'il me fait.

J'ai dit, ce que je crois d'ailleurs exact, que plus nous ressemblons à la Chambre des communes ou plus nous tentons d'y ressembler, moins nous sommes crédibles. Cette pensée me vient à l'esprit presque quotidiennement depuis que je siège ici, à un titre ou à un autre, notamment en ce qui a trait à la période des questions qui, à mon avis, ne permet pas d'accomplir grand-chose et devrait être repensée. Comme le sénateur Fraser le soutient, l'étude de la réforme du Sénat doit tenir compte de l'autre institution parlementaire, la Chambre des communes, et des autres membres de la fédération, les provinces. Dans le même ordre d'idées, la réforme de la période des questions devrait tenir compte de la façon dont nous menons généralement nos travaux. Les sénateurs doivent avoir une meilleure façon que celle qui est utilisée actuellement pour demander et obtenir de l'information.

Dieu sait que la période des questions à la Chambre des communes est une abomination, même si les ministres sont présents soi-disant pour répondre aux questions. Je ne vois pas pourquoi nous tentons de faire la même chose ici.

Afin de donner une autre image aux Canadiens que celle que donne la Chambre des communes, ce que nous devons et pouvons faire, je me demande également si les sénateurs ne devraient pas examiner sérieusement la proposition — du sénateur Segal, si je ne m'abuse — de permettre la télédiffusion des débats du Sénat.

Avant de laisser entrer les caméras de télévision, je suggère que nous enlevions les pupitres pour créer une atmosphère plus intime, comme à la Chambre des lords et à la Chambre des communes, en Grande-Bretagne. L'espace que nous gagnerions grâce à ce réaménagement pourrait être utilisé pour les caméras de télévision. En rendant le Sénat plus convivial pour la télévision, nous pourrions recourir plus fréquemment à la formule du comité plénier pour entendre des témoins de l'extérieur sur des questions importantes.

Voilà les idées qui me sont venues à l'esprit en écoutant l'intervention du sénateur Fraser. Je ne m'attends pas à être encore ici pour les voir se concrétiser, mais j'en fais part publiquement pour qu'on y réfléchisse à l'avenir.

L'honorable Tommy Banks : Puis-je poser une question au sénateur?

Le sénateur Murray : Oui.

Le sénateur Banks : Le sénateur Murray sait certainement que j'ai rarement, voire jamais, divergé d'avis avec lui sur quoi que ce soit. Je cherche à avoir de l'information plutôt qu'une discussion.

Le sénateur Austin et vous avez proposé de modifier la répartition des sièges pour tenir compte de ce que vous avez qualifié de sous-représentation de l'Ouest au Sénat.

Je viens de cette partie du pays qui, selon le sénateur, est sous-représentée. Comme le sénateur Murray vient de le dire, cette sous-représentation est fondée sur la population. J'ai toujours pensé que la distinction qu'il faut établir entre le Sénat et la Chambre — exception faite que le Canada atlantique dispose maintenant de 30 sièges depuis que Terre-Neuve fait partie de la Confédération —, c'est l'égalité de la représentation régionale et le fait que le Sénat est un rempart contre la tyrannie de la majorité.

En fait, j'ai toujours cru que les débats entourant la Confédération avaient conduit à la création du Sénat précisément parce que les provinces peu peuplées savaient que, quelque part au sein des trois institutions parlementaires, elles devaient avoir le poids nécessaire pour faire échec à la tyrannie de la majorité.

Par conséquent, j'aimerais que le sénateur m'explique comment on peut dire qu'un changement de population modifiera la répartition des sièges liés à la représentation régionale au Sénat.

Le sénateur Murray : Il y a deux choses. En premier lieu, il est pertinent de souligner que des considérations liées à la population ont été soulevées presque dès le début puisque les Pères de la Confédération, et certaines générations qui les ont suivis, avaient prévu que la représentation de certaines provinces au Sénat augmenterait lorsqu'elles atteindraient une population donnée. Cela s'est avéré avec un certain nombre de provinces en vertu de la Constitution.

Il y a, en second lieu, la question de l'égalité des régions, sur laquelle je suis tout à fait d'accord, bien entendu. Cependant, pour plusieurs d'entre nous, la question est de savoir si la Colombie-Britannique constitue une région. À mon avis, c'est bel et bien une région. Le gouvernement précédent est du même avis, car il a adopté, à un moment donné, une loi importante — ma mémoire à court terme me fait défaut — qui renfermait une résolution visant à régir la manière dont le Parlement devrait s'y prendre pour examiner les résolutions de modification de la Constitution selon la règle du 7/ 50. Je me souviens que nous avions adopté une résolution à l'initiative du gouvernement Chrétien, qui était alors au pouvoir, voulant que le Parlement n'exerce pas son rôle à moins d'une entente régionale dans le cadre de laquelle la Colombie-Britannique, en tant que région, aurait un droit de veto.

Selon moi, la Colombie-Britannique est une région en raison de son histoire, de sa population et de ses spécificités, si je puis m'exprimer ainsi. On ne devrait pas simplement l'amalgamer aux Prairies. Je vais parler de l'initiative prise par le sénateur Austin et moi, qui visait à assurer une représentation régionale aux trois provinces qui forment les Prairies et une représentation régionale à la Colombie-Britannique.

(1510)

Nous ne sommes pas allés jusqu'au bout en accordant 24 sièges au Sénat à la Colombie-Britannique et 24 sièges aux trois provinces des Prairies. Toutefois, je crois qu'il y a eu une modification ou une suggestion à cette fin de la part d'au moins un de nos collègues, le sénateur Tkachuk, et de l'un de nos anciens collègues, le sénateur Carney, qui était un fervent défenseur de cette réforme.

(Sur la motion du sénateur Hubley, le débat est ajourné.)

L'importance des sables pétrolifères du Canada

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Nicole Eaton, ayant donné avis le 19 octobre 2010 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les avantages des sables bitumineux du Canada.

— Honorables sénateurs, je suis très heureuse de présenter une interpellation au Sénat sur les sables pétrolifères du Canada, la source de pétrole la plus éthique au monde. Je suis heureuse parce que, en raison de la nature des affaires publiques, l'attention du Parlement est souvent tournée vers des mauvaises nouvelles, des problèmes ou des lacunes. Comme toute entreprise humaine, les sables pétrolifères comportent leur part de problèmes. Toutefois, quand nous les évaluons en fonction de nos valeurs nationales, nous nous rendons compte qu'ils ont des avantages. Il s'agit d'une ressource dont nous pouvons tous être fiers, une ressource qui révèle notre identité canadienne et qui façonne nos industries de manière à faire de notre pays un modèle d'éthique à l'échelle internationale.

Le projet des sables pétrolifères est un projet d'envergure nationale conforme aux valeurs canadiennes, comme la conservation de l'environnement, la paix, le traitement équitable des travailleurs, le respect des minorités et l'excellence scientifique. C'est un projet d'une ampleur aussi grande que le Canada. Les sables pétrolifères permettent au pays le plus consciencieux du monde de devenir, d'une manière inédite, une source énergétique fiable sur la scène internationale.

Les sables pétrolifères du Canada sont une solution de rechange audacieuse et éthique aux moyens brutaux utilisés par les pays de l'OPEP pour produire du pétrole. C'est une belle réussite canadienne.

Honorables sénateurs, avant de poursuivre, j'aimerais parler d'une question qui est posée par de nombreux Canadiens et des observateurs du monde entier. Quelle est la différence entre les sables pétrolifères et les sables bitumineux? En fait, les deux termes font référence à la même chose, c'est-à-dire aux abondantes réserves de pétrole qui se trouvent dans le Nord de l'Alberta et de la Saskatchewan. Cependant, contrairement aux gisements de pétrole classiques, le pétrole est mélangé à du sable et à de l'argile. Le terme technique qui désigne ce mélange est le « bitume », qui a la couleur du pétrole mais la texture du beurre d'arachides. La recherche d'une méthode économique pour séparer le pétrole du sable et de l'argile, tout en protégeant l'environnement, est un défi technologique que les scientifiques canadiens ont relevé en travaillant avec acharnement.

Il s'agit de pétrole et de sable, non pas de goudron, terme auquel renvoie le mot anglais « tar ». Le goudron est une substance chimique dérivée du bois de pin ou de la houille. À Fort McMurray, le sable ne contient pas de goudron. Cela semble simple, il est préférable, en anglais, de parler de « oil sands » — sables pétrolifères — plutôt que de « tar sands ». Ce n'est pas seulement une question de précision géologique; c'est aussi une question de précision politique.

L'expression anglaise fabriquée « tar sands » semble désigner quelque chose d'un peu plus laid et plus sale que « oil sands », et c'est pourquoi de nombreux détracteurs des sables pétrolifères l'utilisent. Cette expression est péjorative et tout simplement inexacte. Par conséquent, lorsque quelqu'un utilise l'expression « tar sands », il faut y voir une déformation volontaire d'une réalité scientifique au nom de la politique. Lorsque j'entends un activiste s'opposant aux sables pétrolifères parler de « tar sands », surtout lorsque cette personne sait que les sables ne contiennent pas de goudron, je me demande immédiatement s'il exagère aussi à d'autres égards seulement pour se faire du capital politique.

Traditionnellement, les Autochtones utilisaient les sables pétrolifères, qu'on trouve parfois en surface, pour imperméabiliser leurs canots. C'est en 1719, et cela est documenté, que des Européens ont vu des sables pétrolifères pour la première fois. À l'époque, un guide cri du nom de Wapasu en a apporté un échantillon à Henry Kelsey, un commerçant de New York. Cent cinquante ans allaient s'écouler avant qu'on tente de produire du pétrole à partir de ces sables. C'est dans les années 1920, en effet, que les expériences scientifiques ont débuté sérieusement.

En 1942, l'International Bitumen Co. a pris le nom de Oil Sands Limited, une société qui s'appelle aujourd'hui Suncor. C'est la deuxième société en importance au Canada, après la Banque Royale.

Les Canadiens travaillent dans le secteur des sables pétrolifères depuis un siècle, mais ce n'est qu'au cours des dix dernières années que nous avons attiré l'attention de la planète. Le secteur, qui avait fait jusque-là l'objet d'expérimentations à petite échelle, est devenu la principale source de pétrole pour les États-Unis. En fait, les États-Unis ont reconnu officiellement la légitimité des sables pétrolifères il y a quelques années seulement. Ils étaient sceptiques; ils craignaient que la technologie n'ait pas été assez expérimentée pour être fiable.

On estime que les sables pétrolifères renferment 1,7 billion de barils de pétrole. Grâce à la nouvelle technologie, environ 10 p. 100 de ce pétrole est récupérable au plan économique. Ainsi, la réserve renfermée dans les sables pétrolifères est la deuxième en importance à l'échelle planétaire. C'est l'Arabie saoudite qui détient la plus grande. En 2004, la croissance des sables pétrolifères a permis au Canada de franchir une étape importante. Cette année-là, le Canada a ravi à l'Arabie saoudite son titre de principale source de pétrole pour les États-Unis. Après avoir vécu à la merci de l'OPEP pendant des décennies, nos amis et alliés, les Américains avaient enfin une source de pétrole locale, sûre et exploitée selon les règles de l'éthique.

Aujourd'hui, nous exportons, par pipelines, 1,4 million de barils de pétrole extrait des sables pétrolifères aux États-Unis. Aux cours actuels du pétrole sur les marchés mondiaux, cela représente plus de 100 millions de dollars par jour. Le gros du pétrole extrait des sables pétrolifères au Canada est transformé en essence pour alimenter les voitures aux États-Unis. Le produit final ne diffère aucunement de l'essence dérivée du pétrole provenant de sources plus traditionnelles en Arabie saoudite, au Nigeria, au Venezuela et dans d'autres pays de l'OPEP. Les deux types d'essence brûlent de la même façon et, en raison des cours des produits de base sur les marchés mondiaux, ils ont le même prix.

Toutefois, on peut parler d'une différence importante au plan moral : le Canada exploite le pétrole de bien meilleure façon que tout autre grand producteur de pétrole sur la planète. Comme Ezra Levant le souligne dans son nouvel ouvrage, Ethical Oil, le Canada exploite le pétrole dans le respect des valeurs qui font de lui un grand pays. Il cite quatre de ces valeurs : les questions environnementales, la paix, la justice économique et le respect des minorités. À l'aune de ces critères, le pétrole canadien est le meilleur au monde. Le Canada est devenu le numéro un non pas du café, mais du pétrole équitable sur la scène mondiale.

Prenez la première valeur, les « questions environnementales ». Le respect de notre environnement naturel est une valeur canadienne aussi vieille que le Canada lui-même. Non seulement cette valeur se reflète dans nos lois et nos règlements environnementaux, mais également dans la culture d'entreprise de nos pétrolières.

Les mines de sables pétrolifères, comme toutes les mines, génèrent des résidus, c'est-à-dire le sable et l'argile inutilisés après l'extraction du pétrole. Contrairement à la plupart des mines dans le monde, au Canada, les exploitants sont tenus par la loi de nettoyer les bassins de décantation une fois l'extraction terminée. À ce jour, 65 kilomètres carrés de terrain minier ont étés nettoyés. On y a replanté des herbes et des arbres indigènes, et réintroduit des espèces sauvages, notamment des bisons.

Les groupes opposés aux sables pétrolifères utilisent les images de ces mines dans leurs lettres de financement, car elles choquent. Cependant, comme l'utilisation du terme « tar sands », ces images sont trompeuses, car les sociétés minières ne sont en mesure d'exploiter que 2 p. 100 du territoire riche en sables pétrolifères. En effet, dans la plupart des régions, le bitume est trop loin de la surface. Par conséquent, 98 p. 100 du territoire riche en sables pétrolifères ne sera jamais exploité de cette façon. Le bitume sera donc récupéré au moyen de technologies in situ, comme le drainage par gravité au moyen de vapeur. Ces technologies laissent une empreinte négligeable à la surface, et les forêts et les espèces sauvages ne sont pas dérangées. Les détracteurs des sables pétrolifères se gardent bien de dire la vérité lorsqu'ils sollicitent des fonds.

(1520)

Le Canada applique également son approche éthique à l'égard des sables pétrolifères à l'usage de l'eau. Toutes les sociétés d'exploitation des sables pétrolifères ont le droit d'utiliser un peu moins de 2 p. 100 de l'eau charriée par la majestueuse rivière Athabasca, et un pourcentage encore moins élevé lorsque le débit de la rivière est au plus bas. Les nouvelles technologies souterraines ou in situ n'ont même pas besoin d'eau provenant de la rivière.

D'autres pays producteurs de pétrole ne possèdent pas ce genre de plan de conservation rigoureuse des ressources. Au Nigeria, par exemple, quelque 2 000 déversements toxiques de pétrole n'ont jamais été nettoyés et ne le seront probablement jamais.

Depuis quelques années, le dioxyde de carbone est un polluant qui suscite des inquiétudes. Même à cet égard, les sociétés d'extraction du pétrole dans les sables pétrolifères respectent des normes d'éthique supérieures à celles de bon nombre d'autres producteurs de pétrole.

L'approche globale utilisée par le gouvernement Obama pour la mesure des émissions de dioxyde de carbone, du puits aux engrenages, qui tient compte de toutes les étapes, de l'empreinte environnementale des superpétroliers saoudiens au recyclage canadien du gaz naturel, montre que nos sables pétrolifères ont une empreinte moins marquée que le pétrole vénézuélien par exemple, moins marquée en fait que celle de l'industrie pétrolière de la Californie, un État qui est souvent considéré comme avant-gardiste sur le plan environnemental. Nancy Pelosi est-elle déjà venue nous critiquer à ce sujet?

Voici une question pour évaluer le degré de moralité des critiques des sables pétrolifères : préféreraient-ils que les États-Unis importent leur brut de pays comme le Venezuela, dont l'empreinte carbonique est beaucoup plus importante que celle du pétrole canadien?

Les Américains doivent se procurer leur pétrole quelque part. Les environnementalistes de bonne foi qui se préoccupent des émissions de dioxyde de carbone ne préféreraient-ils pas le pétrole de nos sables pétrolifères au pétrole vénézuélien plus polluant? C'est un choix bien concret. Le pétrole des sables pétrolifères ou le pétrole de l'OPEP : de quel côté sommes-nous?

Pour le Canada, jouer le rôle de chef de file en matière d'environnement est une valeur importante, mais ce n'est pas la seule. Le Canada est également un chef de file du maintien de la paix dans le monde. De prime abord, on pourrait croire que ce parallèle n'a pas grand-chose à voir avec la question des sables pétrolifères, mais il est très pertinent. La plupart des grands producteurs de pétrole du monde sont des dictatures qui menacent de s'en prendre à leurs voisins et qui financent les terroristes.

L'Arabie saoudite, le plus grand producteur de pétrole au monde, est une théocratie médiévale. Ce pays est un incubateur pour le fondamentalisme islamique, qui a produit 15 des 19 pirates de l'air du 11 septembre 2001.

L'Iran compte aussi parmi les plus grands producteurs de pétrole au monde. Il assume en ce moment la présidence de l'OPEP. L'Iran est le principal financier de groupes terroristes comme le Hamas et le Hezbollah. Il leur fournit de l'argent et des armes et il les entraîne. Cet État poursuit également un programme d'armement nucléaire. Il a même menacé d'utiliser de telles armes contre Israël et l'Ouest.

La Russie et le Venezuela ne sont pas des dictatures à proprement parler, mais ce sont aussi des pays belliqueux. En 2008, la Russie a en effet attaqué un pays voisin, la Géorgie, et le Venezuela a fait des menaces à la Colombie.

Ce bellicisme serait impossible si de tels gouvernements ne pouvaient compter sur les énormes recettes qu'ils tirent du pétrole.

Le Canada ne pourrait jamais se comporter de la sorte. Le Canada a inventé le maintien de la paix.

C'est un point important. La plus grande partie du pétrole, à l'échelle mondiale, sert à financer des conflits. Les recettes que nous tirons du pétrole sont utilisées pour financer l'aide étrangère et non pour envahir des pays étrangers. Ne vaut-il pas mieux acheter du pétrole d'un pays écosensible qui finance les forces de maintien de la paix que d'une dictature polluante qui finance le Hamas? Il est facile de répondre à cette question d'éthique.

Le pétrole canadien est supérieur, sur le plan environnemental, au pétrole des pays membres de l'OPEP. Qui plus est, il entraîne moins de conflits que le pétrole des pays membres de l'OPEP et les travailleurs et travailleuses de l'industrie canadienne sont traités avec un plus grand respect.

L'industrie pétrolière saoudienne emploie des travailleurs migrants étrangers qui n'ont aucun droit de citoyenneté et dont les conditions de travail frisent l'esclavage. Malgré ses importantes réserves de pétrole, le Nigeria est toujours l'un des pays les plus pauvres au monde, où l'espérance de vie est de 47 ans seulement et dont la moitié de la population gagne moins d'un dollar par jour.

En Arabie saoudite, la richesse générée par le pétrole est encaissée par la famille royale. Au Nigeria, elle est détournée par des dictateurs et des bureaucrates depuis 50 ans.

Au Canada, en revanche, un travailleur de premier échelon qui conduit un camion dans les sables pétrolifères peut gagner plus de 100 000 $ par année. C'est ce que j'appelle du pétrole équitable.

Certains détracteurs, même ici au Canada, veulent qu'on ralentisse la croissance des sables pétrolifères et même qu'on impose un moratoire sur tout nouveau projet. Certains groupes, comme Greenpeace, ainsi que certains éléments radicaux au sein du NPD, veulent carrément que nous stoppions tous les projets.

Honorables sénateurs, en vertu de quel code d'éthique accepterait-on que des centaines de milliers de Canadiens soient mis à pied, qu'on élimine des emplois lucratifs au Canada et qu'on stimule l'emploi dans les pays où des dictateurs empochent les profits et les travailleurs peu rémunérés qui n'ont aucun droit doivent se contenter de miettes? Il serait immoral pour notre gouvernement de punir les familles canadiennes en exportant nos emplois dans le secteur de l'énergie vers les pays membres de l'OPEP. Ce serait d'autant plus immoral compte tenu de la manière dont les travailleurs sont traités dans les pays membres de l'OPEP.

J'aimerais parler d'une autre mesure éthique, une mesure que nous tenons pour acquise au Canada. Il s'agit des droits de la personne et du respect des minorités. Cela fait tellement partie de notre vie courante que nous n'y pensons même plus, mais nous devrions le faire.

Je pense, par exemple, à Melissa Blake, la jeune mairesse de Fort McMurray. Au Canada, le fait qu'une jeune femme occupe la fonction de maire ne défraie pas les manchettes. C'est normal, cela fait partie de notre mode de vie. En Arabie saoudite, par contre, aucune femme n'occupe un tel poste. C'est contraire à la loi. Les femmes n'ont pas le droit de vote. Elles n'ont même pas le droit de conduire une voiture.

Le Canada protège aussi les droits des gais. En Iran et en Arabie saoudite, on exécute les gais.

L'industrie des sables pétrolifères est le principal employeur d'Autochtones au Canada. Au Venezuela, les Autochtones qui se dressent contre Hugo Chávez sont assassinés.

Dans les pays de l'OPEP, les violations des droits de la personne sont presque aussi nombreuses qu'elles ne l'étaient en Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid. En fait, on pourrait dire que l'Arabie saoudite pratique l'apartheid sexuel. Les femmes y sont traitées comme des citoyens de seconde classe.

Dans les années 1980, notre pays a été l'instigateur des sanctions contre l'Afrique du Sud qui ont mené à la fin de l'apartheid. Sûrement, le moins...

Son Honneur le Président intérimaire : Je suis désolé d'interrompre madame le sénateur, mais son temps de parole est écoulé.

Est-on disposé à accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Eaton : Je ne poursuivrai pas. J'ai terminé. Merci.

Le sénateur Fraser : Poursuivez. Nous voulons entendre la suite.

Le sénateur Eaton : Les sables pétrolifères canadiens constituent un énorme moteur économique pour l'ensemble de notre pays. Ils représentent une source d'énergie fiable et stratégique pour nos alliés. Ce secteur d'activités témoigne de l'esprit d'entreprenariat et des prouesses technologiques des Canadiens, ainsi que de nos solides liens commerciaux avec les États-Unis. De plus, il y a tant d'autres aspects des sables pétrolifères qui correspondent à notre caractère national.

Pour bien des gens, tout ce qui compte, c'est le prix du pétrole. C'est normal. Toutefois, à mes yeux et aux yeux de nombreux Canadiens, il est également important de vivre de façon éthique et de respecter les idéaux canadiens.

Aucune autre source de pétrole au monde ne respecte davantage l'environnement que les sables pétrolifères canadiens, n'est exploitée de façon plus pacifique ou n'est plus équitable, tant pour les femmes que pour les hommes, sur le plan économique. Comme tout ce que nous entreprenons au Canada, l'exploitation des sables pétrolifères se déroule dans le plus grand respect des minorités, ce qui fait de notre pays l'envie du monde entier.

Moi qui ai vraiment à cœur l'identité canadienne, je continue de miser sur les qualités morales du pétrole canadien, qui sont l'incarnation même du caractère national du Canada.

La valeur éthique du pétrole canadien correspond enfin à un autre trait de notre caractère national, à savoir notre trop grande modestie. Toutefois, notre attitude déférente constitue en fait un problème lorsqu'il est question des sables pétrolifères, étant donné que si nous ne sommes pas audacieux et fiers quant à la vraie nature des sables pétrolifères, nous courons le risque qu'ils soient diabolisés par les critiques, qui ont leurs propres objectifs.

Cela pourrait avoir pour conséquence que le Canada produise moins de pétrole et que l'OPEP en produise plus. Quand les solutions de rechange du pétrole éthique du Canada sont le pétrole de l'Arabie saoudite, qui soutient le terrorisme, le pétrole de l'Iran, un pays qui maltraite les gais et qui finance un programme d'armement nucléaire, ou le pétrole du Nigeria, dont les profits sont détournés par les fonctionnaires corrompus, nos réticences ne sont plus inoffensives.

Il faudrait toujours chercher à améliorer nos façons de faire et rester ouverts aux critiques constructives. Cela fait aussi partie de notre caractère national. Pour ma part, je suis fière de voir que le secteur s'améliore constamment. Par exemple, les émissions de carbone produites par chaque baril de pétrole des sables pétrolifères ont diminué de 38 p. 100 depuis 1990.

L'une des choses qui font que le Canada est différent des pays de l'OPEP, c'est que nous sommes ouverts aux points de vue contraires et que nous protégeons la liberté des gens qui ont des opinions divergentes. Lorsque des membres de Greenpeace font irruption dans une usine canadienne d'exploitation des sables pétrolifères, nous ne les tuons pas. Lorsque des journalistes critiquent l'exploitation des sables pétrolifères, nous ne les assassinons pas ni ne les censurons. J'aime le fait que nous soyons tolérants à l'égard des critiques et des divergences d'opinions.

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Ironiquement, c'est ce qui explique pourquoi les activistes des Greenpeace de ce monde sont si actifs ici et si muets au sujet des auteurs de massacres en Arabie saoudite, en Iran, au Soudan, au Nigeria et au Venezuela.

C'est précisément parce que nous sommes des figures de proue en matière d'éthique dans le monde qu'il n'est pas dangereux pour eux de s'en prendre à notre industrie et de détruire nos emplois. C'est un paradoxe. Greenpeace laisse tranquilles les pires pays précisément parce que ce sont les pires pays. Il critique le pays le plus gentil de la planète parce que nous sommes gentils. On croirait que les activistes de Greenpeace concentreraient leurs efforts sur les vrais émetteurs de carbone et ceux qui exploitent vraiment la paix, mais c'est bien trop difficile et dangereux, sans compter qu'ils doivent veiller au succès de leurs collectes de fonds. C'est la raison pour laquelle si peu de Canadiens aujourd'hui considèrent Greenpeace comme un modèle de moralité. Du point de vue de l'éthique, une seule conclusion s'impose : le pétrole canadien est le pétrole le plus socialement responsable du monde.

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je ne veux pas prononcer une allocution. Je vais donc poser une question, si vous le permettez.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, il reste une minute 10 secondes au sénateur Eaton. Madame le sénateur acceptera-t-elle de répondre à une question?

Le sénateur Eaton : Oui.

Le sénateur Rompkey : Dans le cours de ses recherches, est-ce que madame le sénateur a trouvé combien de Terre-Neuviens travaillent à Fort McMurray? Se rend-elle compte des retombées économiques que cela comporte pour Terre-Neuve? Sait-elle que 50 p. 100 de l'économie de certaines collectivités terre-neuviennes assez importantes reposent sur Fort McMurray? Les Terre-Neuviens qui travaillent à Fort McMurray ont un domicile à Terre-Neuve. Ils se déplacent entre les deux. Cela ne confirme-t-il pas ce qu'elle voulait montrer?

Le sénateur Eaton : Je remercie le sénateur Rompkey de cette magnifique question. Je sais que le premier ministre provincial Danny Williams veut annexer Fort McMurray et garder une partie des impôts, ce qu'il fait lorsque les Terre-Neuviens rentrent chez eux et construisent leurs maisons.

Il y a plus d'Ontariens qui travaillent à Fort McMurray que dans le secteur de l'automobile. Cette industrie donne de l'emploi, directement ou indirectement, à environ 275 000 personnes en Alberta, dont bon nombre sont originaires de Terre-Neuve, j'en suis sûre. Cela équivaut à la moitié de la population de Terre-Neuve et à deux fois la population de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est extrêmement avantageux pour le Canada, et les Canadiens devraient être fiers de nos sables pétrolifères. Nous devrions cesser de nous confondre en excuses quand le membre du Congrès Nancy Pelosi et la secrétaire d'État Hillary Clinton en parlent pour dire que c'est du pétrole sale. Si Mme Pelosi regardait dans sa propre cour, elle verrait que l'empreinte de carbone du brut de la Californie est plus importante que celle des sables pétrolifères.

Dans la vallée de l'Ohio, certaines centrales électriques au charbon émettent à elles seules autant de carbone que n'en produit l'exploitation des sables pétrolifères en une année. Nous devrions nous défendre plus vigoureusement.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

L'étude des questions liées aux obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Quatrième rapport du Comité des droits de la personne—Ajournement du débat

Permission ayant été accordée de revenir à l'article no 8 des rapports de comités :

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Le Canada et le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies : Tracer une nouvelle voie, déposé au Sénat le 22 juin 2010.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous en sommes au jour 15 pour l'article no 8, et le sénateur Jaffer souhaite prendre la parole sur cet article, mais pas aujourd'hui. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat à son nom.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 28 octobre 2010, à 13 h 30.)


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